L’administration exige, en même temps, de l’exploitant d’une ICPE autorisée de
– se mettre scrupuleusement aux normes et d’y rester,
– s’accommoder de la concurrence générée par les exploitants de dépôts déclarés mais dont la mise aux normes s’arrête sur le papier,
– s’accommoder de la concurrence générée par ceux qui n’exploitent aucun dépôt au prétexte qu’ils seraient en dessous des seuils.
Parce que l’administration contrôle régulièrement les établissements autorisés, ne contrôle pratiquement pas les autres établissements et jamais les installations non déclarées.
Et ça se sait. Et on en use.
Principes
Ainsi la plupart des exploitants d’une installation soumise à déclaration se contentent d’enfumer les pouvoirs publics en déposant un dossier de déclaration qui ne correspond à rien dans la réalité. Ils ont même eu le culot de se déclarer au dernier moment en juin 2010 pour pouvoir bénéficier de l’antériorité sans pour autant être le moins du monde en règle. Et bénéficier du dispositif des « quantités équivalentes » par la même occasion.
Ils avaient jusqu’à juillet 2012 pour se mettre en conformité. Sauf erreur de notre part, l’immense majorité, pour ne pas dire tous, de ces exploitants non rien fait de bien décisif et l’administration, bonne fille, n’est pas allé contrôler. Pourtant, au minimum, le contrôle volontaire de l’exploitation doit être réalisé par un organisme indépendant.
Ainsi, nous nous trouvons aujourd’hui en face de gens qui proclament être en règle avec, en appui, des documents tout ce qu’il y a d’officiels avec tampons et tout.
Ils ne le sont malheureusement pas plus qu’en 2010.
En résumé, l’administration nous dit « Exploitants d’ICPE soumis à autorisation, obtempérez à nos injonctions de mises aux normes sans délai. » Mais en même temps elle nous coupe les vivres en laissant faire les exploitants imposteurs fonctionner sans contrainte, « sauf, peut être, un jour… » nous rassure-t-on.
C’est ce qu’on peut appeler la rente de l’imposture, encouragée par la démission ou la lâcheté de l’administration qui n’ose pas faire appliquer la loi aux supposés petits !
Car une ICPE coûte cher. Car pour investir lourdement dans une ICPE, il faut préalablement dégager des moyens, c’est-à-dire faire du bénéfice. Mais la concurrence des imposteurs tire les prix vers le bas, mais la présence d’une multitude de petits revendeurs, auto entrepreneurs ou pas, atomise le marché en autant de parts, déséquilibre et complique le commerce à l’infini. Elle empêche à terme l’investissement dans les équipements de mise aux normes, l’amortissement des frais engagés, la confiance du banquier …
Investissements que les fonctionnaires exigent au-delà de la loi, souvent par une espèce de sadisme, contre ceux qui les forcent à prendre des responsabilités en autorisant le fonctionnement d’une installation classée.
« L’état multiplie les contraintes en justifiant ses actes tantôt au nom d’une « Raison incarnée » que lui seul serait capable à la fois de définir et de faire triompher à long terme, tantôt au nom de l’intérêt général et du service public que là encore seuls ses agents seraient à même de comprendre » a écrit récemment Jean Marc DANIEL, professeur à l’école des mines de Paris. Un connaisseur.
Le marché est le mode d’organisation de la société qui prend le mieux en compte la dualité du comportement humain. Le moteur de l’activité humaine est l’enrichissement personnel. Chacun cherche à obtenir le plus en fournissant le moins. Mais de là naît le progrès. C’est un fait.
Le marché concurrentiel est le meilleur moyen de freiner cet appétit égoïste. A condition que les règles de fonctionnement soient les mêmes pour tous. L’économiste américain Franck Knight définissait les conditions de la concurrence par la liberté et par l’égalité. L’administration fausse, en ne faisant pas appliquer la réglementation délibérément ou pas, la concurrence en tolérant largement à certains ce qu’elle n’envisage même pas pour d’autres. En fait, respecter la réglementation en France est un facteur aggravant pour l’exploitant.
Il faut favoriser les entreprises qui investissent. La concurrence c’est l’égalité sur le marché entre les producteurs et les consommateurs. C’est aussi l’égalité des « agents économiques » entre eux. Il est du devoir de l’administration de veiller scrupuleusement à son respect.
Les contraintes du régime d’exploitation
L’exploitant d’un dépôt soumis à autorisation est tenu de réaliser (ou faire réaliser) une étude de dangers, une étude d’impact, une étude sur environnement naturel, une enquête publique, des études de sécurité du travail… avant même de pouvoir exploiter. Ça coûte cher en termes de temps, d’efforts, d’argent. Il est en outre contrôlé avant la mise en service de l’exploitation.
L’exploitant d’un dépôt soumis à enregistrement est libéré d’une grande partie de ces contraintes. Un simple dossier de déclaration sur la base d’un arrêté type est suffisant. Ça coûte moins cher. Il peut exploiter sitôt la réception du récépissé de sa demande sans contrôle préalable de l’administration. Ça va plus vite et c’est moins cher. Il bénéficie de la distorsion liée à la contrainte administrative
Les contraintes d’exploitation
Lorsque l’exploitant d’une ICPE soumise à autorisation obtient enfin son sésame, il va subir une surveillance constante et acharnée de l’inspecteur, car c’est bien connu, son activité est dangereuse. C’est encore des efforts, du temps, de l’argent car l’inspecteur, dépassé par une réglementation complexe et évolutive, reste dans la lettre plutôt que dans l’esprit et se donne le droit d’aller au-delà de la réglementation et de ses exigences.
Lorsque l’exploitant d’une ICPE soumise à déclaration ou enregistrement reçoit son récépissé, il est sensé faire contrôler régulièrement son exploitation par un organisme indépendant. Libéré du joug administratif, il peut se donner le temps et les moyens d’organiser le fonctionnement de son dépôt de manière à travailler plus en déclarant moins. Il bénéficie de la distorsion liée à la surveillance administrative.
La non-exploitation
Si les règles sont faussées entre celui qui entretient un dépôt soumis à autorisation, strictement surveillé, et celui qui entretient un dépôt soumis à déclaration, peu ou pas surveillé, elles le sont encore davantage envers celui qui n’entretient pas de dépôt au prétexte qu’il est en dessous du seuil de la déclaration.
En raison de la sécurité de l’environnement, le législateur impose des contraintes importantes sur l’exploitant d’une ICPE : zone des dangers importants à l’intérieur de clôtures de deux mètres de haut, dispositions constructives, études de danger études de sécurité du travail, gardiennage… Ça coûte plus ou moins cher en fonction du régime de l’exploitation, mais çà coûte cher.
Lorsqu’il se trouve en dessous d’un seuil de trente kilos équivalent, ce qui n’est pas du tout anodin dans la réalité, l’exploitant est dispensé de toutes les dispositions. Ça ne lui coûte pas un sou. Il peut alors se permettre de casser les prix pour emporter les marchés. « Pas de déclaration, je fais du pognon » (inconnu)
Sûr de ne pas être contrôlé puisqu’il n’est pas connu de façon officielle, pourquoi ne pas dépasser le seuil ? De toutes manières il est interdit aux agents de l’état de pénétrer dans les locaux à usage d’ « habitation » au sens le plus large. Il ne craint rien.
Le non-exploitant d’une non-installation n’est pas tenu de déclarer son activité. Aucun document ne lui est demandé, aucune contrainte ne lui est imposée. L’administration ne lui fixant pas de règle, il est le grand bénéficiaire de la distorsion provoquée par les exigences administratives
Le non-exploitant d’une non-installation ne subit aucune pression de l’administration. Il peut alors fonctionner à sa guise au mépris de toutes les bonnes pratiques professionnelles. Il est le grand bénéficiaire de la distorsion provoquée par la surveillance administrative.
Questionné à ce sujet, l’inspecteur des installations classées répond benoîtement que le non-exploitant prendra ses responsabilités après l’accident, et « qu’il passera le reste de ses jours à regarder la télé (sic) ». Soit, mais quand les entreprises déclarées ou autorisées seront fermées, qui regardera la télé ?
Stockage momentané
Il est une incongruité notable dans la réglementation, celle du stockage momentané.
Dans la limite des quinze jours avant le spectacle, le feu d’artifice peut être stocké dans un endroit respectant un grand nombre d’exigences difficiles à tenir, telles que l’isolement du site à 50 mètres des habitations, une surveillance permanente, des moyens d’extinction, un affichage peu discret… Ces dispositions encouragent une nouvelle fois ceux qui ne respectent pas les règles à stocker discrètement pour leur client. Le fameux et bien connu « je suis livré le jour du tir sur le lieu du tir » rabâché à loisir par l’artificier véreux se traduit bien souvent par « j’emmène la livraison avec moi, en provenance de ma non-exploitation ».
Là encore, une administration pourtant tatillonne avec les uns ne se donne pas les moyens d’éradiquer la question par quelques mesures simples, efficaces et faciles à mettre en œuvre.
Transport
Alors que l’exploitant d’une entreprise encadrée et surveillée doit respecter les règles du transport des matières dangereuses, véhicule ADR, conseiller à la sécurité, formation coûteuse, celui qui est moins encadré, donc moins surveillé, se dispense aisément de ces dispositions en s’appuyant sur l’arrêté TMD écrit par l’administration Française au nom de l’exception culturelle. Que dire de celui qui se dispense des exigences réglementaires ?
Cette situation favorise une nouvelle fois ceux qui ne respectent pas la réglementation alors que l’administration dispose des moyens de la faire appliquer.
Manipulation
Il n’est pas concevable que des articles entrés dans une installation pour uniquement le stockage ne soient pas manipulés en prévision du spectacle auquel ils sont destinés. Mais cette activité relève du régime de la déclaration dès le premier gramme, ce qui coûte cher.
Autant ne pas en parler et manipuler officiellement sur le lieu du tir, avec tous les risques que cela comporterait si c’était vraiment le cas.
Cette situation favorise, une nouvelle fois, ceux qui maquillent leur activité pour contourner les règles.
Internet
Il est devenu facile de commander en ligne chez Pierre, Emmanuel ou Jacques en montrant simplement un certificat de qualification ou une autorisation préfectorale. Les vendeurs ne s’inquiètent pas de savoir si l’acheteur dispose de capacités de stockage et, si celui-ci est malin, il commandera en dessous du seuil de la déclaration… aux trois, après avoir négocié les prix à son avantage en les plaçant en situation de concurrence. Et bien sûr, phénomène connu, il ne les payera pas. Pas vu, pas pris.
Cette situation, qui crée un préjudice important aux négociants et revendeurs, pourrait être évitée par quelques règles simples fixées par l’administration, notamment au sujet de la responsabilisation mutuelle du vendeur et de l’acheteur.
Formation qualification
Une entreprise surveillée ne peut pas se permettre d’utiliser du personnel dont la valeur n’est pas à la hauteur de son engagement. Un accident lui coûterait trop cher. Il utilise donc un circuit de formation coûteux pour entretenir une équipe aguerrie de tireurs de niveau 2.
Une entreprise moins surveillée va former ses tireurs au moins cher, mais quand même au niveau 2, chez son grossiste ou elle-même si le grossiste l’a bombardée formateur.
Celui qui reste en dehors des circuits traditionnels va se former au moins cher, souvent sur le seul niveau 1 dont on sait qu’il est insuffisant, inadapté et destiné simplement aux tireurs. Fort d’un certificat de qualification au titre et au contenu ambigu mais vide de matière, il se déclare professionnel.
La situation actuelle serait grandement améliorée si l’administration mettait en place une autorisation d’exercer la profession d’artificier, en créant un référentiel métier basé sur des exigences d’établissement, d’honorabilité, de capacité financière et de capacité professionnelle.
Sanctions
Celui qui exploite une ICPE serait gravement pénalisé au cas où, peu probable pour les exploitations soumises à déclaration puisque non contrôlées, il serait pris en délit de non respect des conditions d’exploitation. Ça lui coûterait, là encore, cher.
En revanche le non-exploitant d’une non-installation, puisque l’administration ne le reconnaît pas, disparaîtrait de la circulation en cas de problème pour réapparaître immédiatement sous un autre nom.
Là encore, l’absence d’une clause d’honorabilité à l’exercice de la profession encourage la distorsion de concurrence.
Pour conclure
Les données sont faussées par des opérateurs qui s’ingénient à les interpréter vicieusement et sont passé maître dans l’utilisation des obstacles en les maquillant en avantages.
L’administration, qui sur-réglemente et sur-contrôle les installations qu’elle autorise, favorise par une cécité courtoise le fonctionnement des installations soumises à déclaration-enregistrement.
La création d’un certificat de qualification au titre et au contenu ambigu, le développement des possibilités offertes par internet pour se fournir, la tolérance importante sur le seuil de la déclaration, encouragent ceux qui veulent se faire un maximum d’argent sans effort et à moindre frais. Sûrs de l’impunité, ils prolifèrent à une allure exponentielle, mettant en péril les entreprises qui ont le tort de vouloir se faire reconnaître de l’administration.
L’administration, qui pourtant dispose des moyens de lutter contre ces fléaux, durcit au contraire les conditions d’exploitation de ceux qui sont déjà étranglés par les conditions d’exploitation, au bénéfice de ceux qu’elle refuse de reconnaître, et donc de réglementer. Ce serait pourtant facile.
L’administration favorise donc l’inégalité au profit de la liberté, rompant ainsi avec l’un des principes majeurs de notre république.