Syndicat de la Pyrotechnie de Spectacle et de Divertissement

Commentaires sur le listing des ICPE rubriques 4210 et 4220

Artificier de divertissement n’est pas un métier au sens de la réglementation. Car il n’existe pas officiellement. Pas de référentiel officiel. Pas plus de diplôme que de formation.

C’est ce qui explique en partie les dérives extraordinaires mises en évidence par ce document.

Il existe cependant un code NAF, 4312-BB que personne ne connait ni n’utilise, sauf une infime minorité.

Pourtant l’artifice de divertissement qui est composé d’explosif est largement soumis à des règles propres en ce qui concerne l’achat, le stockage, la manipulation, le transport, le commerce, etc… Parce que c’est de l’explosif.

Depuis des années et encore aujourd’hui où certaines entreprise qui vendent pour vendre semblent impliquées dans la fourniture aux réseaux terroristes, certains acteurs de la profession se contorsionnent pour expliquer que l’artifice c’est de l’explosif mais pas dangereux.. C’est de l’explosif qui n’est que déflagrant. Il ne présente pas de risque notable. A ce titre ces personnages classaient, et classeraient bien encore à ce jour, pratiquement tous les artifices de divertissement en division de risque 1.4G –la moins dangereuse et donc la moins encadrée- jusqu’à l’accident de Enschede (20 morts, 200 maisons détruites) en 2001.

A partir de cet accident, les pouvoirs publics mondiaux se sont émus et ont tentés de remettre un peu d’ordre. Mais en France, avec notre frontière, parfait écran à l’épreuve de tout y compris des radiations nucléaires, la prise en compte de cette réalité a été très ténue. Et on a continué comme avant.

Avec le risque terroriste à l’intérieur de notre pays et ses derniers développements qui démontrent un lien de cause à effet direct entre commerçant en artifices et attentat, on peut espérer que les pouvoirs publics vont enfin faire leur travail. C’est-à-dire faire appliquer la réglementation existante, tout simplement. Nous insistons sur cette exigence, la réglementation est complète et complexe ; veillons déjà à ce qu’elle soit respectée par tous, y compris par la contrainte, avant de l’aggraver. Cessons aussi d’être bienveillant avec des gens qui simulent l’ignorance, le manque de moyens pour investir ou qui dissimulent. On est professionnel ou on ne l’est pas. Point barre.

L’explosif qu’est l’artifice de divertissement est encadré par de nombreuses réglementations dépendant de plusieurs ministères. En simplifiant il y a le ministère du développement durable qui est en charge du stockage et des manipulations dans les ICPE et le ministère de l’intérieur qui s’occupe de la sécurité publique et qui a donc un œil sur les spectacles pyrotechniques. Entre les deux il y a une frontière presque étanche.

Les acteurs économiques de la pyrotechnie de divertissement ont rapidement compris les avantages qu’ils pouvaient tirer de cette dualité. Et encourager le traitement tout à fait distinct entre l’amont et l’aval ; entre ce qui ne se voit pas et ce qui se voit ; entre la logistique et le spectacle. Et quand ces opérateurs se présentent comme des professionnels de la pyro, ils sont quelques uns à être sincères parce que ce sont des ignorants, mais l’écrasante majorité jouent sur les mots : ce sont des professionnels du commerce, du trompe l’oeil et du faux semblant, c’est tout.

Car du reste, qui est l’essentiel, ils ont une connaissance plus que parcellaire, voire sélective. Et surtout ils ont une aversion farouche à dépenser l’argent qu’ils ont ramassé. Investir dans la mise en conformité des moyens matériels leur permettant d’exercer cette activité ne leur semble pas du tout prioritaire. Avoir une belle bagnole, si..

L’imposture repose donc sur la dissociation entre l’activité visible, la vente et le tir de feux d’artifice et celle qui est discrète par nature, le stockage , la manipulation et le transport. Alors que toutes ces activités sont étroitement liées. Les commerçants en artifices sont d’une discrétion de violette sur leur mode d’approvisionnement, d’entreposage, de préparation et de transport ; ils sont aussi intarissables sur les moyens matériels et humains mis en œuvre sur un pas de tir que succints sur ceux nécessaires en amont. « Livré le jour même » Voilà leur credo.

Alors ces commerçants rabâchent, comme des moulins à prières, que (pour eux en tous cas, car c’est en fait une pierre dans le jardin du voisin) l’objectif premier est « la sécurité avant tout ». Et d’imposer au client, d’ailleurs ravi d’avoir choisi un fournisseur si soucieux de la sécurité, des dispositions sourcilleuses en hommes et en moyens pour assurer la sécurité du public et du voisinage. « Si la sécurité n’est pas assurée, je ne tire pas le feu » fanfaronnent-ils.

Bravo, mais que ne le font ils pas dans leurs entreprises où, couramment, ils mettent en danger dans leurs entrepôt clandestins, la vie de leur personnel souvent pas déclaré, de leur voisinage pas forcément au courant et des usagers de la route qui seraient bien surpris de savoir ce que contiennent les fourgons qu’ils rencontrent.

Présentation et analyse du listing

Notre organisation professionnelle considère comme réaliste que la France recèle 500 dépôts conséquents d’artifice de divertissement. En se fiant aux « pages jaunes », c’est-à-dire sans tenir compte des micro entreprises qui se décorent du titre d’indépendants sur Internet.

Le ministère du développement durable, lui, n’en connaît qu’environ 50. (Les données sur le site du ministère ne sont plus accessibles)

90% d’inconnus ! Qui dit mieux ?

Si on analyse un peu plus finement ces chiffres, le constat est encore plus accablant. Nous publions dans cet article un extrait des tableaux se trouvant sur le site du MEDDE concernant les rubriques des ICPE 4210 et 4220 reprenant les entreprises enregistrées ou autorisées par l’administration à stocker et/ou à manipuler des artifices de divertissement. Comme çà chacun pourra se reconnaître… ou pas. Bien sûr on va nous opposer que ne figure pas les entreprises soumises à déclaration. Nous répondrons simplement deux choses. La première est qu’il nous semble impossible –et nous sommes des praticiens- d’exploiter une entreprise de pyrotechnie de divertissement avec des capacités de stockage limitées à 150kg réel de 1.4G ou 90kg réel de 1.3G. Nous y reviendrons. La seconde, c’est que la presque totalité des établissements soumis à déclaration sont hors la loi dans la mesure où les exploitants ont pris la précaution de ne pas demander l’agrément technique obligatoire. Car les conséquences financières en découlant ne leur conviennent pas ! Idem pour les établissements soumis à enregistrement.

Deux rubriques. Celle qui porte le numéro 4210 correspond au manipulations, mise en communication électrique ou pyrotechnique. Et celle qui porte le numéro 4220 concerne le stockage dormant.

Si le législateur a distingué ces deux activités c’est parce que la première est beaucoup plus dangereuse que la seconde. Mais l’une ne va pas sans l’autre. Que faire d’un dépôt dormant où on n’a pas le droit d’ouvrir les cartons ? Sauf pour un centre logistique cà n’a pas d’intérêt. Pourtant la plupart des dépôts d’artifice ne disposent que de stockage dormant. On ne peut y ouvrir des cartons. Là encore, il y a une dérive à résorber. Des petits malins ont introduit la notion de « picking » en se gardant bien de le traduire de l’anglais « ramassage ». Mais pour « ramasser », il faut auparavant ouvrir le carton, ce qu’on ne peut faire dans le cadre de la 4220 ! On n’en sort pas ! Alors on triche, parce qu’après le « picking » il faut bien aussi manipuler et pourquoi pas mettre en communication (4210) . Alors on explique qu’on met en communication sur les lieux de tir. Mais alors, si on comprend bien, cette opération réputée dangereuse qui a droit à un numéro de la nomenclature des établissement classés, peut être, sans problème « exfiltrée » pour être faite non pas n’importe où mais sur les lieux publics. On marche sur la tête. Mais rassurez-vous, là encore ce n’est qu’une posture, car la plupart des opérateurs « préparent » leurs artifices ailleurs que sur le site de tir, c’est-à-dire n’importe où, dans leur sous sol, le garage, le parking, leur appartement… Parce que le jour du feu d’artifice on n’a guère le temps de confectionner les pièces d’artifices. Mais on jure, y compris sur sa tête, que tout est fait sur place le jour même. D’ailleurs n’est-on pas livré le jour même sur site par son fournisseur… qui se trouve à 500Km de là ? Avoir un dépôt connu de l’administration c’est rare mais c’est bien. Mais avoir un dépôt qui en plus est adapté aux exigences du métier, c’est extrêmement rare. Mais c’est très bien !

Si on regarde de plus près le tableau, on remarque tout de suite la disparité géographique des ICPE. Il n’y en a pas beaucoup dans le nord et l’est de la France, et plus dans le sud . Il n’y en a pas dans tous les départements mais certains départements en ont plusieurs. Certaines sont en construction, d’autres à l’arrêt…

Dans certains départements il n’y en a pas, mais on y trouve des entreprises de pyro qui peuvent faire jusqu’à deux millions de CA annuel avec sans doute un vague dépôt sans agrément technique, bien entendu.

On remarque aussi une grande disparité dans les timbrages qui vont de quelques kilos à plusieurs centaines de tonnes !

Si on prend le temps de rechercher les chiffres d’affaire de ces différentes entreprises on détecte de grandes incohérences entre les capacités de stockage et les chiffres d’affaire. Comment une entreprise qui déclare stocker quelques dizaines de kilos d’explosif peut-elle faire un chiffre d’affaire identique, voire supérieur, à une entreprise qui est autorisée à stocker plusieurs tonnes ? Nous nous sommes amusés à créer un indicateur : le ratio entre le chiffre d’affaire déclaré et la quantité stockée officiellement ; le résultat est décoiffant, il évolue entre 10 et 5000 ! Est-ce bien raisonnable ? Et on ne parle pas de ceux, nombreux, qui « sont livrés le jour même, sur le site de tir ». Ceux là se moquent évidemment du monde.

L’obligation du registre d’entrée et sortie pour tous les opérateurs économiques dans l’artifice va sans doute, au moment des contrôles, nous permettre de comprendre ces énigmes.

On doit même aller plus loin en analysant la ventilation des quantités stockées en division de risques (DR). Le plupart des dépôts sont prévus pour contenir des produits de DR 1.4G les moins dangereux, mais, malheureusement, utilisés très minoritairement dans les spectacles pyrotechniques (plus le spectacle est important moins il y a de 1.4G qui sont des petits artifices en vente libre). La DR 1.3G est la plus utilisée en pyro de divertissement (bombes, batteries de plus de 30 mm de calibre), pourtant elle est souvent absente (officiellement) des dépôts. La DR 1.3G n’est présente que dans de très rares dépôts, c’est curieux parce que tous les spectacles pyrotechniques contiennent des produits de cette division comme les bombes, les chandelles ou les batteries de plus de 30 mm de calibre). Les marrons d’air ou coups de canon ou annonce sont tous classés en DR 1.1G. Les dépôts d’artifice autorisé à stocker des articles de la DR 1.1G se comptent littéralement sur les doigts d’une main. La légende qui est colportée que certains de ces produits sont classés autrement a été justement créée pour servir de parefeu à çà. (Comme les inflammateurs électriques qui seraient en vente libre.) Au contraire, un seul de ces produits mélangé dans un conditionnement d’autres produits réputés beaucoup moins dangereux, fait basculer l’ensemble du colis en DR1.1G, y compris les articles peu dangereux isolément !

Conclusions

Dans la situation actuelle, les clients ont tout intérêt à auditer leur fournisseur en mettant de côté les liens d’amitiés qui ne sont, le plus souvent, que de pure forme, une posture de fournisseur, et se focaliser sur les preuves de professionnalisme que sont le respect des contraintes réglementaires, l’autorisation de stocker des quantités en harmonie avec la taille de l’entreprise, l’agrément technique obligatoire, le label professionnel.

On peut effectivement douter du sérieux et de la fiabilité d’un fournisseur qui n’est pas en conformité avec les exigences légales. Car quand les bornes sont passées il n’y a plus de limite. La sécurité est-elle réellement garantie ? Les produits sont-ils agréés ? Certifiés ? Conformes ? La proposition commerciale est-elle sincère ? Sera-t-elle respectée ? le prestataire est-il vraiment assuré ? Pour quels montants ?

Enfin il semble normal que l’argent public ne serve pas à encourager les entreprises les moins vertueuses. Celles qui se moquent de la réglementation et des fonctionnaires ; celles qui abusent de la confiance des acheteurs en leur faisant endosser des responsabilités dont ils n’imaginent pas les développements; celles qui mettent en danger sciemment et avec arrogance le public et le voisinage en déclarant « La pyro de divertissement est une activité déréglementée et çà ne changera pas » (sic)

Il faut cesser d’avoir une approche arithmétique du feu d’artifice. La beauté d’un feu d’artifice ne repose pas sur le nombre de projectiles ou le nombre de kilo de poudre fourni, comme la beauté d’une œuvre d’art ne repose pas sur le nombre de kilo de peinture utilisé pour la réaliser. C’est important, mais la qualité du fournisseur l’est encore plus. Si l’acheteur public acquiert cette sagesse, on pourra revoir des spectacles riches en effets originaux et en couleurs éclatantes, à la place des macédoines répétitives qu’on voit hélas trop souvent aujourd’hui.

Bernard DEOM

Président