Contrôle des spectacles pyrotechniques


Un phénomène passé inaperçu commence aujourd’hui à produire ses effets : l’arrêté du 31 mai 2010 pris en application des articles 3, 4 et 6 du décret n° 2010-580 du 31 mai 2010 prévoit l’envoi, par l’organisateur, d’un formulaire de déclaration de spectacle pyrotechnique.

Ce formulaire est signé par l’organisateur, qui certifie exacts les éléments remis par le commerçant en artifices, responsable de la mise en œuvre. En termes simples, en cas d’accident l’organisateur serait mis en cause s’il ne s’assure pas au préalable de l’exactitude des éléments présentés par le commerçant en artifices (article 121-3 du code pénal).

Certaines collectivités prudentes se sont assurées, en précurseur, des conseils d’un spécialiste pour analyser les offres qui leurs sont remises, car le maire signe en aveugle quelque chose qu’il ne maitrise pas.

L’examen attentif des dossiers est riche d’enseignements.

Les offres sont toujours orientées sur l’aspect quantitatif du spectacle. Elles contiennent un grand nombre d’informations sur la quantité des produits, le nombre de projectiles et d’effets, les poids de matières actives, pour inciter le lecteur à considérer que l’offre est plus fournie que celle du concurrent.

En réalité, les offres sont falsifiées. Le trucage le plus courant est le calcul du poids de poudre et du nombre de projectiles, majoré du simple au double pour faire croire que le spectacle à venir sera plus beau que les autres. Or, ce n’est pas la quantité, même si elle est au rendez-vous, qui fait la qualité.

Une approche chiffrée illustrée d’exemples permet de comprendre immédiatement l’inanité de tels décomptes :

– Un projectile de calibre 8 mm représente un volume 0,2 cm3, un projectile de 75 mm 220 cm3, soit un rapport de un à mille.

– Un projectile de 8 mm représente en moyenne 0,75 grammes, alors qu’un projectile de 75 mm pèse en moyenne 167 grammes. Soit un rapport de 1 à 200. (Source : base de donnée des artifices agrées, disponible sur le site internet de l’INERIS).

Pour se convaincre il suffit de diviser le poids de matière active par le nombre globalisé de projectiles ; cas concret avec 40 000 projectiles pour 270 Kg de matière active :

– Poids d’un projectile : 270 Kg / 40 000 projectiles = 7 g

– Poids de matière active : projectiles de 8 mm : 40 000 x 0,75 g = 30 Kg, projectiles de 75 mm : 40 000 x 167 g = 6,7 tonnes

Conclusion : le nombre de projectiles ne signifie rien s’il n’est pas ventilé par calibre. En conséquence, le commerçant en artifices produit volontairement un synopsis avantageux qu’il est bien décidé à ne pas tenir sur le terrain.

On trouve aussi dans les offres des articles interdits par le cahier des charges, retirés du marché ou périmés, des distances de sécurité erronées, voire arrangées… Ce qui démontre en plus, s’il en est encore besoin, le manque alarmant de professionnalisme de ces commerçants et leur peu de souci réel de la sécurité.

D’autres critères sont mis en avant pour emporter le marché :

– « Le commerçant en artifices est qualifié, il n’utilise que du matériel professionnel et son crédo est la sécurité avant tout ». Malheureusement, il ne suffit pas de crier « sécurité sécurité », il faut encore montrer l’exemple, en respectant la réglementation sur l’explosif par exemple.

– « Les produits utilisés sont sélectionnés avec soin chez les meilleurs fournisseurs » : En réalité, les commerçants en artifices se fournissent au gré des circonstances, toujours au mieux disant. D’ailleurs, la majorité des articles vient de l’étranger et les grossistes se fournissent tous aux mêmes endroits. L’apparition récente de l’e-commerce accroit ce phénomène. En conséquence, si la plupart des feux se ressemblent, c’est parce que les produits viennent tous de la même place et que le critère prédominant du commerçant en artifices est d’acheter au moins cher.

– « Nos feux sont composés d’artifices français, achetez français » : Il n’existe hélas qu’un seul fabricant français, qui ne peut pas approvisionner tous ces commerçants. En réalité, il n’y a, au plus, qu’un article français dans le devis ; il y en a rarement sur le site.

– « Le nombre de personnes présentes sur le site est un gage de qualité» : Un nombre élevé de personnes nuit à la qualité du spectacle, car il faut payer le personnel. De plus, ce critère n’est pas pertinent car un spectacle peut avoir été préparé en amont et le nombre de personnes sur site n’est pas significatif.

– « Nous sommes des professionnels mondialement connus » la réalité est moins glorieuse car l’immense majorité des commerçants en artifices sur le marché ne sont que des revendeurs très locaux, très ignorants mais très commerçants. Ceux qui brandissent l’étendard d’une marque comme un gage d’excellence n’en restent pas moins des revendeurs : le garagiste local à l’enseigne connue d’un constructeur automobile n’est pas constructeur et n’est pas forcément performant.

Il ne faut pas croire, également, que le commerçant en artifice bénéficie du réseau de la marque. A l’aide l’e-commerce, il diversifie son approvisionnement au détriment de son enseigne.

Sachant qu’il ne peut pas tenir son engagement, le commerçant en artifices doit trouver des solutions pour dégager du bénéfice. Là aussi l’observation attentive sur le terrain, le jour du tir, est riche en enseignements.

L’inventaire des articles déchargés du camion n’est jamais conforme à la liste du devis. Le commerçant en artifices a remplacé les références dispendieuses par des articles génériques. Si le commerçant en artifices présente une liste des articles déchargés, elle ne correspond pas à la réalité, qui est moindre. Cette liste a pour but d’éviter l’inventaire en cas de contrôle.

Dès lors, si des articles déchargés sont interdits ou si les distances de sécurité ne sont plus respectées, ce qui arrive, la sécurité est remise en cause.

De plus, lorsque la masse d’explosifs indiquée sur le bon de transport (quand il existe) correspond exactement à l’indication du devis falsifié, il y a un faux.

Très souvent, de nombreux articles ne sont pas tirés, délibérément. Ils sont dans le camion pour parer à un contrôle inopiné mais n’en sortent que dans ce cas.

En conséquence, le spectacle ne sera pas conforme à l’engagement du commerçant en artifices, mais comme la perception d’un spectacle est subjective le public sera peut-être content. Le commerçant en artifices expliquera qu’il a fait l’impossible pour donner plus que prévu alors qu’en réalité, il a fournit un feu pour le prix du marché, sans plus.

Enfin, la visite du chantier après le tir permet de constater que des articles n’ont pas été tirés et vont repartir dans le camion.

Si vous doutez de votre fournisseur de feu d’artifices, vous pouvez vous tourner vers le SPSD pour analyser les dossiers techniques qui vous sont remis. Même une analyse après coup sera riche d’enseignements.