Syndicat de la Pyrotechnie de Spectacle et de Divertissement

Imposture sur les chantiers de feux d’artifices

Livraisons le jour même, accidents imprévisibles, quantités minorées et clients abusés, opérateurs-tireurs mal formés et souvent clandestins… Tels sont les lieux communs de la pyrotechnie de divertissement

Comme chaque année, des accidents ont emmaillés les tirs de feux d’artifices en France lors de la fête nationale. Faisant de nombreux blessés parmi le public. Les accidents arrivent aussi, malheureusement, tout au long de l’année.

Et, comme chaque année, on nous sert le même refrain. L’artificier, qui vient chaque année depuis des lustres, est surpris, il n’a jamais vu çà.. Sans doute, il se défausse sur un mauvais produit, un concours de circonstances incompréhensible. Ou bien, variante, « on » est venu sur le site de tir enlever le support qui tenait la pièce en place. Ou alors c’est de la faute à la pluie qui a mouillé le mortier !

Alors, si l’artificier, tireur depuis des lustres, est incapable de faire un diagnostic sur le disfonctionnement d’une pièce d’artifice qu’il a lui-même installé et, semble-t-il pas surveillé, on s’interroge sur ses compétences !

Et puis, si c’est toujours pour les mêmes raisons qu’il y a accident ; pourquoi diable ne pas y remédier à l’aide du retour d’expérience ?

Car lorsqu’une pièce d’artifice tire dans le public la raison est toujours la même : la pièce est tombée en direction du public. Si elle est tombée, c’est non seulement parce qu’elle était mal fixée, mal gardée, mais aussi parce que l’opérateur a méconnu les procédures qui assurent que la pièce, même si par hasard elle tombe (ce qui ne doit jamais arriver), ne tirera jamais vers le public.

Conclusion, le tireur n’est pas un professionnel, mais un amateur qui se présente le plus souvent comme un professionnel et même, la plupart du temps, comme un super pro !

Et il y en a des centaines comme çà qui abusent de la crédulité des clients. En profitant de l’ambiguïté de la réglementation et en jouant sur deux tableaux. (Sur environ 500 entreprises proposant des feux d’artifices en France, seule une quarantaine sont en règle !)

Le premier concerne la partie visible, c’est-à-dire la partie commerciale et le tir. Il convient pour y exceller de mentir effrontément, d’être suffisamment sans scrupule pour mettre le client dans une situation délicate en cas d’accident, d’être suffisamment malhonnête pour soumettre des devis qu’on est bien décidé à ne pas respecter et enfin, en cas d’accident, de faire l’imbécile alors qu’on sait très bien pourquoi celui-ci est arrivé.

Le deuxième concerne le respect de la réglementation. Car qui dit explosif dit réglementation. Et qui dit réglementation dit coût important. Or, ces commerçants, s’ils adorent recevoir de l’argent, rechignent à le dépenser. Aussi, ils évitent de respecter les exigences réglementaires qui ont le défaut d’être très onéreuses. Tant pis pour la sécurité des voisins, du public, des intervenants, des clients et de tous les autres, pourvu qu’on gagne de l’argent.

La charge ci-dessus est un peu violente, mais on ne peut minorer éternellement ce qui se passe. On ne peut pas cacher, par conformisme, qu’il se passe des choses graves qui mettent en danger les spectateurs complètement étrangers à la situation et qui vont, pour certains, garder des séquelles toute leur vie à cause de personnes menées par l’appât du gain.

Car les préjudices ne s’arrêtent pas là. La plupart de ces gens là stockent les artifices qu’ils doivent utiliser lors de la fête nationale ou à un autre moment dans des endroits les plus inattendus en mettant là encore les voisins, qui n’en savent rien, en danger. La sécurité avant tout proclament-ils, mais le stockage étant clandestin, ils se cachent en promettant à leur client qu’ils seront livrés –sécurité toujours- le jour même, sur site, par leur fournisseur – souvent trouvés sur Internet ! Ils devraient plutôt dire « leurs fournisseurs ». Mais çà ne serait plus crédible. S’ils ont trois fournisseurs, il y aurait trois fourgons qui viendraient livrer sur site le 13 juillet ? De Pologne ? Vous y croyez vous ? En fait ce sont les vendeurs locaux qui livrent –le jour même- leur propre feu d’artifice, dont les éléments sont achetés un peu partout et entreposé à proximité discrètement. Où et comment ont-ils stocké et préparé leurs spectacles ? Dans un endroit connu d’eux seul – en toute illégalité et au mépris de la sécurité de leur environnement humain et naturel- tout simplement.

La concurrence étant féroce car il y a trop d’intervenants pour la taille du marché, ces revendeurs sans scrupule, ont trouvé le biais pour arriver à vendre quand même leurs produits de provenance douteuse. Ils ont tout simplement décidé de tromper le client en proposant sur devis des quantités qu’ils sont bien décidés à ne pas respecter sur le terrain le jour venu. Du coup on a vu s’envoler le nombre de projectiles qui sont proposés maintenant par milliers et même par dizaines de milliers. Souvent c’est invérifiable pour des non connaisseurs. Parfois si. Mais qu’à cela ne tienne, ils viennent sur le site avec tous les artifices promis, et ils en repartent avec une bonne partie qu’ils n’ont, volontairement, pas installés par étourderie, pas tirés par étourderie aussi, et qui serviront dans d’autres spectacles. Car, comme chacun sait, personne ne vient vérifier si tout a été installé et si tout a été tiré.

Revenons à l’artificier (que nous préférons appeler opérateur tireur). Une dérive actuelle dangereuse et importante de l’activité est la formation de ces opérateurs tireurs. Actuellement, profitant d’une ambiguïté des textes, tout le monde est formateur d’artificier. Ce n’est même pas la peine d’avoir de l’expérience ou même des connaissances, il suffit d’avoir un fournisseur complaisant qui vous donne arbitrairement le titre de formateur et le tour est joué. Vous êtes formateur et vous pouvez former qui vous voulez comme bon vous semble. C’est un bon vecteur de se présenter comme formateur et Il ne faut jamais perdre de vue le business : une personne formée est un client en puissance et même captif si vous mettez le paquet.

Alors ne nous étonnons plus des accidents qui peuvent arriver avec cet afflux d’incompétents sur les chantiers de feux d’artifice. Inutile d’ajouter que très souvent ces auxiliaires préfèrent être payé de la main à la main ou en échange produits … et que leur « employeur » le préfère encore plus ! Au mépris de la sécurité de ce personnel… complice.

L’enseignement de tout çà, c’est que lorsqu’un opérateur-tireur est surpris par l’accident qui c’est produit sur son chantier, il incrimine tout sauf lui, pour créer un écran de fumée et cacher la réalité des approvisionnements exotiques, des stockages inattendus et dégradants pour les produits, des mises en communications hésitantes, des connaissances parcellaires et même sélectives, bref de l’incompétence érigée en système. Cela relève de la posture. Au contraire il est parfaitement au courant du risque qu’il a fait prendre à ses clients et spectateurs. L’affaire a été délibérément programmé depuis l’origine, les risques ont été empilés avec préméditation pour maximiser les profits, les postures mûrement réfléchies pour parvenir au seul résultat qui compte : gagner de l’argent.

Il est grand temps que les pouvoirs publics mettent un terme à ces dérives.