Il est un fait acquis, c’est qu’obtenir l’autorisation d’exploiter un dépôt d’artifice relève aujourd’hui de l’exploit.
Entre les études de dangers, les études de sûreté ou les études de sécurité du travail, il faut beaucoup de volonté. Et encore on se limite en quantité pour ne pas atteindre le seuil dit «SEVESO», où l’effort à consentir devient Herculéen.
Bref, pour vivre heureux vivons caché. Pas besoin de dépôt puisque «je suis livré le jour même par mon fournisseur qui dépose un conteneur venant de Chine sur le lieu du tir le jour du tir » (authentique).
Sauf que prendre les pouvoirs publics pour des imbéciles ne dure qu’un temps, et depuis que je trompe mon fournisseur historique en me fournissant à l’est de l’Europe, je m’attends soit à me faire prendre, soit à me faire balancer, ce qui reviendrait exactement au même.
Comment faire ?
Le législateur, dans sa grande bonté, a prévu un régime de dérogation à l’autorisation de stockage, qui s’appelle le régime de l’enregistrement. Pas d’autorisation, juste une déclaration. Les documents à produire sont à la portée d’un enfant de six ans et les exigences de l’administration sont inscrites dans un texte qu’il suffit de respecter. Et on peut même grapper les bombes dans une cabane de jardin… Que du bonheur.
Bon pour faire ma saison, les 500 kg équivalents que peut contenir ce dépôt sont insuffisant (40 feux le seul 13 juillet), et si je veux stocker du 1.1 ça devient compliqué. Mais je suis maintenant honorablement connu de l’administration.
Lorsque la DREAL viendra me contrôler, je lui présenterai mon beau dépôt bien propre et bien ripoliné. Bien vide aussi puisqu’il ne contiendra que les 10 % que je prends encore à mon fournisseur historique, pour conserver sa carte. C’est ma virginité, tout le reste est dans une grange à 200 m.
Et si j’ai l’inspection du travail ? Je n’emploie pas de travailleurs. Que des copains payés en tickets restaurants dans la grange en question.
J’évite cependant de mettre le déchargement du camion polonais sur facebook. Pas vu pas pris.
Mais l’explosif reste de l’explosif. Tromper une administration complaisante est une chose, tromper le risque est impossible.
Deux accidents récents sont dans toutes les mémoires. Nous ne porterons pas ici de jugement hâtif car il revient à l’administration d’en définir les causes et les responsabilités.
On note cependant, ça on peut le dire car c’est factuel, que les deux accidents se sont produits au centre d’un village. L’un d’eux à quelques centaines de mètres d’un dépôt soumis à enregistrement, qui, lui, n’a pas sauté. L’explosion s’est trompée d’endroit.
Même si une entreprise de pyrotechnie entrepose son matériel inerte dans un local séparé, la pyro doit se trouver dans un dépôt connu de l’administration respectant les règles de protection de son environnement. Rappelons que l’aire de chargement déchargement est située dans l’installation et que les zones de dangers (1 et 2) qu’elle génère restent à l’intérieur des clôtures.
En outre, ça on peut le dire aussi, les dégâts provoqués aux habitations voisines, décrits par le journal photos à l’appui, consistent en bris de vitres, volets, toitures soufflées etc, ainsi qu’une onde sonore entendue à plusieurs kilomètres.
Ces dégâts sont représentatifs de l’onde de surpression générée par la prise d’un régime détonant, soit par la présence de division de risque 1.1 (TOUS les marrons d’air sont classées 1.1 par l’ADR), soit par un confinement exagéré, soit par une densité exagérée, soit par un cumul des trois.
Il est bien connu, ça on peut le dire aussi, que l’artifice n’explose que lorsqu’il est initié. Quelles peuvent être les causes possibles de l’initiation, sinon les conséquences directes ou indirectes d’une activité humaine ? Grappage, méchage, empotage sont autant d’activités génératrices de risque, à fortiori dans un lieu inadapté.
Lu sur les réseaux sociaux : «Ce n’est pas plus dangereux dans la grange, il suffit de faire plus attention» (sic). Nous répétons depuis toujours que la première source d’accident est l’inconscience. Et que dire d’un certificat de qualification qui entraîne son titulaire à penser qu’il est professionnel ?
Quoi qu’il en soit, si l’explosion ne s’est pas produite dans le dépôt mais ailleurs, elle ne s’est pas trompée d’endroit.