Les infractions dont se rendent coupables les commerçants en feux artifices, appelés « prestataires » sur le formulaire de déclaration de spectacle sont innombrables :
Infractions au code du travail
Les commerçants en feux d’artifices sont obligés d’avoir du personnel en cours d’année et spécialement lors de la fête nationale.
L’article R4462-1 du code du travail précise que le chapitre R4462 détermine les prescriptions particulières s’appliquant à tous les employeurs qui effectuent des activités pyrotechniques dans les domaines de la fabrication, l’étude, le contrôle, le conditionnement, la conservation ou la destruction. Curieusement, la mise en œuvre n’est pas concernée. D’ailleurs, l’article R4462-1 précise que l’utilisation des objets explosifs ne relève pas du chapitre R4462.
Il s’agit là d’une zone de non droit surprenante en la mesure où la mise en œuvre d’explosifs est une activité dangereuse.
- La nécessité d’avoir un dépôt et des travailleurs :
Il n’empêche qu’à l’occasion de la fête nationale, s’il y a besoin de beaucoup de monde sur le lieu du tir (exclu du code du travail) il faut autant de monde (souvent les mêmes) dans les dépôts, qui eux sont soumis au code de travail.
Car le spectacle pyrotechnique n’est que l’aboutissement d’une procédure logistique visant, à la manière du fleuriste, à approvisionner les articles nécessaires aux spectacles, les stocker, préparer les commandes, les livrer. Toute cette organisation nécessite en amont une infrastructure logistique et de la main d’œuvre, même saisonnière ou temporaire. Donc des travailleurs.
- Les Etudes de Sécurité du Travail :
L’activité d’un dépôt consiste à :- La réception de marchandises dangereuses, nécessitant de la main d’ouvre pour manipuler un nombre de carton pouvant être important
– La manipulation de produits explosifs pour les assembler afin de préparer le spectacle pyrotechnique
– Le chargement de commandes dans les véhicules de livraison, appartenant à la société ou aux tireurs, en propre ou en location.
Pour ces activités pyrotechniques, les Etudes de Sécurité du Travail prévues par l’article R4462-3 du code du travail sont incontournables. Elles visent à :
1° Déceler toutes les possibilités d’événements pyrotechniques et établir, dans chaque cas, leur nature et les risques encourus par les travailleurs ;
2° Déterminer les mesures à prendre pour éviter les événements pyrotechniques et limiter leurs conséquences.
Si les EST sont obligatoires dans les dépôts connus de l’administration, elles le sont également dans les dépôts inconnus de l’administration car le code du travail ne reconnaît pas le seuil fixé par le code de l’environnement pour la déclaration d’un dépôt.
Un travailleur doit préparer les spectacles en prélevant dans les stocks les articles nécessaires, les assembler et les mettre en carton en attente du tir. Cette activité chronophage ne se fait pas sur le lieu du tir mais dans un dépôt. En outre, il est illusoire de déplacer l’ensemble du stock sur le lieu du tir pour prélever les articles nécessaires au spectacle. Donc, la préparation n’étant pas réalisée sur le lieu du tir, le code du travail s’applique et l’EST est obligatoire.
Si le spectacle pyrotechnique est chargé dans les locaux de l’employeur (souvent dans la camionnette de l’employé), le chargement est réalisé sur une aire de chargement. Cette aire ne se trouve pas sur le lieu du tir mais dans un dépôt, le code du travail s’applique et l’EST est obligatoire.
- Les bénévoles et les amis n’existent pas.
– Tout emploi bénévole doit donner lieu à un salaire, même symbolique. Le tireur d’une entreprise est donc salarié ou travailleur dissimulé, y compris sur le lieu du tir. Les dates du contrat de travail permettent de savoir s’il a travaillé seulement le jour du tir, ou en amont dans un dépôt.
– Tout travailleur doit être assuré par son employeur. Le tireur d’une entreprise est donc assuré ou travailleur dissimulé. Les dates de l’assurance permettent de savoir s’il à travaillé seulement le jour du tir, ou en amont dans un dépôt.
En conséquence, lorsque le spectacle pyrotechnique n’est pas tiré par l’organisateur lui même, ou bien le tireur est le commerçant en artifice lui-même, ou bien le tireur est assuré, déclaré et payé. On peut alors savoir s’il est travailleur « bénévole », saisonnier, vacataire ou dissimulé. On peut aussi savoir s’il a travaillé en amont du lieu du tir, c’est-à-dire dans un dépôt soumis à EST.
Infraction au code de la défense
L’article L2352-1 du code de la défense est ainsi rédigé : « La production, l’importation et l’exportation hors du territoire de l’Union européenne, le transfert entre Etats membres de l’Union européenne, le commerce, l’emploi, le transport, la conservation et la destruction des produits explosifs » sont subordonnés à un agrément technique et aux autorisations et contrôles nécessités par les exigences de la sécurité publique et de la défense nationale ».
- Qu’est-ce que l’agrément technique ?
L’article R2352-23 du code de la défense est ainsi rédigé : « Toute personne qui entend exécuter des opérations de production, de transfert, d’importation, de vente, d’exportation de poudres et de produits explosifs destinés à un usage civil doit y être autorisée dans les conditions fixées
L’agrément technique est donc une forme d’autorisation de réaliser une activité pyrotechnique, après vérification des meures de sûreté que le demandeur met en œuvre.
- Les articles pyrotechniques de divertissement sont-ils concernés par l’agrément technique ?
L’article R2352-22 indique que les sous-sections 3, 4 et 5 de la section 3 (produits explosifs destinés à un usage civil) ne sont pas applicables aux artifices de divertissement (Sous-section 3 : certificat d’acquisition, sous-section 4 ; utilisation, sous-section 5 : habilitation pour la conservation en dépôt).
A contrario, les artifices de divertissement sont soumis aux sous section 1 : autorisation de vente, sous section 2 : identification et traçabilité et sous section 6 : installations de produits explosifs.
Le code de la défense ne reconnaît pas les seuils fixés par le code de l’environnement. En conséquence, tout exploitant d’un dépôt, y compris sous les seuils ou inconnu de l’administration, est soumis à l’agrément technique.
L’arrêté du 10 février 1988, abrogé, dispensait de l’agrément technique les installations contenant moins de 10 g de matière active pour les DR 1.1 et 1.2, 2 Kg pour la DR 1.3 et 10 Kg pour la DR 1.4. C’est-à-dire pratiquement rien. Ce texte est abrogé et l’agrément technique est obligatoire dès le premier gramme.
Concernant la vente, le 2nd alinéa de l’article R2352-33 (sous section 1) est clair : « Des autorisations de vente de produits explosifs peuvent être délivrées par le préfet du département du siège social ou du domicile du demandeur à des personnes non titulaires des autorisations (d’exploiter un débit) ». C’est-à-dire que les commerçants sans dépôt doivent exposer les mesures de sureté qu’ils mettent en œuvre dans le cadre de leur activité.
Concernant les dépôts : L’article R2352-89 (sous section 6) est clair : « L’exploitant d’une installation (de stockage) de produits explosifs doit en assurer la sûreté ». En revanche, l’article R2352-92 précise que les installations où sont conservés des produits explosifs ne présentent pas de risque d’une utilisation à des fins criminelles ou délictueuses sont soumis à des règles de sûreté particulières (dispense de l’étude de sûreté, remplacée par un descriptif fait par l’exploitant). Les artifices de divertissent sont concernés.
Les mesures de sûreté
L’arrêté du 13 décembre 2005 fixant les règles techniques de sûreté et de surveillance relatives à l’aménagement et à l’exploitation des installations de produits explosifs indique le classement en quatre catégories des dépôts d’explosifs en fonction de leur capacité, et fixe pour chaque catégorie les exigences que l’exploitant doit respecter.
Les exploitants ont-ils l’agrément technique ? L’autorisation d’exploiter une installation soumise à autorisation préfectorale vaut automatiquement agrément technique. Les installations soumises à déclaration ou enregistrement doivent faire vérifier la conformité de l’installation par organisme agrée dans les 6 mois qui suivent la déclaration. L’agrément technique ne peut être délivré qu’en cas de conformité de l’installation. Le récépissé de la déclaration ne vaut pas agrément technique.
Les dépôts placés sous le seuil de la déclaration, fixé par le ministère de l’environnement, sont soumises aux règles de sureté fixées par l’arrêté du 13 décembre 2005 ci-dessus. L’exploitant doit démontrer que les mesures sont en place pour obtenir l’agrément technique.
Infractions au transport
Selon le § 1.8.3 de l’ADR, chaque entreprise dont l’activité comporte le transport de marchandises dangereuses par route, ou les opérations d’emballage et de chargement et de déchargement lié à ces transports désignent un « conseiller à la sécurité pour le transport des marchandises dangereuses », chargé d’aider à la prévention des risques pour les personnes, les biens ou l’environnement liée à ces activités.
Les articles pyrotechniques de divertissement sont-ils concernés par l’ADR ?
Infractions au code des douanes
Avec l’ouverture des marchés à l’Europe, il est possible de se servir à moindre coût en dehors des frontières Françaises. Cependant s’agissant de produits explosifs, l’importation est soumise à une Autorisation d’Importer des Produits Explosifs. Cette AIPE est conditionnée au stockage des produits entrants, donc à un dépôt.
Malgré cela, des commerçants peu scrupuleux importent discrètement leurs articles sans passer par les douanes.
Infractions au code de l’environnement
Le code de l’environnement :
Les dépôts d’explosifs sont soumis aux régimes d’exploitation suivants : Déclaration, Enregistrement, Autorisation Préfectorale d’exploiter. Ces régimes sont définis par des seuils fixés par le code de l’enregistrement.
Un système de quantités équivalentes permet de déterminer les seuils de l’installation par la pondération des articles qu’elle renferme, en fonction de leur dangerosité. Ces quantités équivalentes ne valent que pour la détermination du seuil de l’installation et ne sont pas reconnues par les autres réglementations.
Les dépôts d’explosifs :
Il est difficile de respecter l’ensemble des dispositions du code de l’environnement (ainsi que celles des autres codes, souvent complémentaires et supplémentaires, parfois contradictoires). De plus, les installations soumises à Autorisation Préfectorales sont particulièrement surveillées.
En conséquence, il est préférable pour un exploitant de rester en dessous du seuil de la déclaration car les régimes de l’enregistrement et de la déclaration sont moins contraignant et moins surveillés, voire même de ne pas déclarer leur installation.
Pour cela, l’exploitant va s’arranger pour limiter artificiellement les quantités et les divisions de risques stockées pour rester sous la barre des 500 Kg séparant le régime de l’enregistrement du régime de l’autorisation.
Le stockage d’articles pyrotechnique génère des zones de dangers qui doivent rester dans les limites de l’installation..
Ne disposant pas de la superficie nécessaire, l’exploitant divise la quantité totale de son dépôt en deux ou trois, voire quatre dépôts séparés entre eux par une cloison sensée résister à l’explosion du dépôt voisin. Cette mesure ne résiste pas à l’analyse.
De plus les seuils et les zones de dangers étant définis en fonction de la division de risque des articles stockée, pratiquement aucun exploitant ne déclarera des articles de divisions de risque 1.1 ou 1.2, les plus dangereux.
Comment déceler un dépôt clandestin ?
Pudiquement appelés « dépôts inconnus de l’administration », ces dépôts sont nombreux. L’accidentologie démontre qu’ils peuvent se trouver à l’intérieur d’un pavillon et que les quantités qu’ils conservent ne sont pas anodines. Il est possible de les déceler facilement.
Le nom des fournisseurs de spectacle n’apparaît pas sur les formulaires de déclaration remis en préfecture. Il faut donc les demander aux collectivités, ainsi que la masse de matière active et le prix de la prestation, à l’aide d’une simple lettre circulaire puis recoller ces données à l’aide d’un tableur.
A cause des (ou grâce aux) quantités équivalentes, on ne peut pas déterminer aisément le volume stocké par le commerçant en artifice. Il faut pour cela des éléments qui n’apparaissent pas forcement sur les devis et qui nécessitent un petit travail de comptabilité.
Néanmoins, au-delà de 150 Kg vendus, il est probable que l’exploitant devrait avoir déclaré un dépôt.
L’alibi de ces vendeurs est qu’ils se font livrer directement sur le lieu du tir par leur propre fournisseur. En ce cas il faut et il suffit d’exiger le bon de livraison et la facture.
On peut aussi regarder le chiffre d’affaire réalisé sur la saison. Le kg de feu d’artifice vendu vaut entre 40 et 90 euros de Kg selon les modes d’approvisionnement. On peut donc estimer, la aussi, la quantité vendue et donc stockée, ainsi que la nécessité d’employer des travailleurs.
Les bons de transport et bons de livraison des fournisseurs permettent eux aussi de déterminer les volumes entrés en stocks et manipulés, et donc la nécessité d’employer des travailleurs ne serait-ce que pour le déchargement et la mise en rayons des articles nécessaires au 14 juillet.